Garyade bis

Lettre à l’éléphant

« Il n’est pas douteux que votre disparition signifiera le commencement d’un monde entièrement fait pour l’homme. Mais laissez-moi vous dire ceci, mon vieil ami, dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’y ait pas non plus de place pour l’homme. »

Romain Gary, 1968, dans Le Figaro Littéraire

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La ruée vers Woodstock

Woodstock, c’est un peu le Brooklyn capetonien. Quartier tout proche du centre ville – qui en est séparé par une frontière physique, la Hudson River à NY et l’entrée de la N1 à Cape Town -, on aurait pu, encore récemment, l’appeler « populaire », « industriel » voire « dangereux-pour-les-blancs-en-goguette ». Des entrepôts et usines progressivement désaffectés, des maisons basses de toutes les couleurs, des supermarchés discount, de petits commerçants partout, des habitants en grande majorité noirs et coloured (on dit « métisse » en France), une vie de quartier évidemment liée au centre-ville mais autonome malgré tout et plein d’autres choses.

Woodstock

Woodstock

Woodstock

Aujourd’hui, tout cela se transforme à mille à l’heure ; la gentrification bat son plein. Les djeuns cools ont pris le quartier d’assaut. Ils prétextent le mélange des genres et des gens mais je ne suis pas tout à fait convaincue. Il s’agit surtout d’un glissement de population. D’une nouvelle couche de peinture et de projets dans de superbes et gigantesques bâtiments qui en ont vu d’autres. Formule universelle d’une ville qui grandit. J’ai comme une petite boule de poils qui reste coincée dans ma gorge à la vision de ce quartier qui se fait repousser, mais je dois bien avouer qu’il s’y passe malgré tout des trucs sacrément chouettes. Et un peu plus chaque fois que je viens à Cape Town.

Comme Brooklyn, donc. Mais pas encore tout à fait comme Bedford Avenue (ouf).

Woodstock a la chance, en plus de tout le reste, d’être canon : entre vieux immeubles en briques, maisonnettes multicolores, vues de fou sur Table Mountain et grandes avenues entrecoupées de petites rues.

Woodstock

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Woodstock

Comme je l’ai fait pour d’autres villes : voici un petit tour culturelo-artistique de ce drôle de quartier.

Les premiers à avoir tablé sur le potentiel de Woodstock sont les galeries d’art et en particulier les trois principales de la scène sud africaine – selon moi et d’autres – Stevenson Gallery, Goodman Gallery et What if the World. C’est la base du quartier. La structure. Celles vers qui je me retourne toujours. Leurs expositions changent tous les mois environ et les artistes qu’elles représentent sont la crème.

Woodstock

À noter, quelques autres art spaces / studios qui valent le coup d’œil : Blank Projects (juste en face du bloc Stevenson/Goodman, espace relativement récent qui tente une nouvelle approche de la galerie commerciale, pas inintéressant), /A Word of Art (dans LE mall cutlurelo-commercial du quartier, j’en reparlerai, vaste projet du street artist Ricky Lee Gordon) et Greatmore Studios (un peu plus loin, jamais très loin, surtout un lieu de résidence d’artistes).

Woodstock

Woodstock

Woodstock

Au rez-de-chaussée du 176 Lowry Road (immeuble qui abrite la Goodman Gallery, pas mal de bureaux de jeunes et moins jeunes entreprises-cools et juste à côté de la Stevenson Gallery), on trouvait il y a encore peu de temps l’espace de Bell-Roberts Publishing, l’éditeur de la bien nommée Art South Africa, revue sur laquelle tout le gratiné du monde de l’art sud africain se jette tous les trois mois. Cette année, j’ai découvert une boutique de chaises design à la place de Bell-Roberts Publishing. Mais cette adresse est toujours indiquée sur le site internet de la revue. Mystère.

Sur l’une des deux grandes avenues parallèles qui dessinent Woodstock, a lieu tous les samedis matin le plus grand regroupement jamais imaginé de djeuns cools, ceux-là même dont je parlais plus haut. C’est le Neighbourgoods Market. Immense marché semi-couvert, il regroupe des designers, des antiquaires, des créateurs de bijoux et autres sacs à dos, et surtout des stands de nourriture et boissons tous plus bons et bios les uns que les autres. Le hot spot pour se remettre de sa soirée du vendredi tout en étant assuré de croiser les copains de la veille. Ce marché, créé en 2006 par un duo Américano-Sudaf’, est, avec les galeries citées plus haut, le vrai déclencheur de la « ruée Woodstock ». Et puis, ça a beau m’agacer de voir autant de hipsters d’un coup, j’avoue apprécier ce petit pèlerinage du samedi matin…

Woodstock

Un peu plus haut sur la même avenue, impossible de rater l’immeuble Woodstock Exchange, un genre de mall culturelo-commercial avec plein de créatifs dedans : cafés/restaurants simples et bons, boutiques de sacs à dos (décidemment), coiffeur spécialisé coiffure cool, galeries de sous les fagots, bureaux participatifs avec baby-foot et autre boutiques de fixie.

Woodstock

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Woodstock

Un peu d’ironie ne fait jamais de mal.

Au milieu de tout ça, des ruelles très jolies, beaucoup de grands et beaux graffitis sur les murs, une mixité sociale et raciale encore un peu préservée, des studios d’artistes planqués dans d’anciens entrepôts, une vie culturelle en accéléré et peut-être une rencontre marrante au coin de la rue.

Woodstock

Garyade

« Dans un monde où le trucage et les fausses valeurs triomphent partout, la seule certitude qui nous reste est celle des chefs d’oeuvre. »

Romain Gary, Le faux (nouvelle)

Le bout du monde

Il y a quelques semaines, j’arrivais à Cape Town, la ville-limite de mon voyage, le bout du monde, d’un monde, de mon monde cette année élargie.

Coucou la pointe du Cap de Bonne Espérance – les esprits les plus acerbes me feront remarquer qu’en réalité, malgré sa super-staritude, ce dernier n’est pas la vraie de vraie pointe de l’Afrique qui se trouve en réalité au Cap Agulhas. Mais franchement, peu m’importe. La bonne espérance me satisfera pour cette fois.

Je suis donc installée à Cape Town, fin géographique de mes longues rencontres de belles personnes. Je suis arrivée. J’y suis arrivée.

Allez, à bientôt pour la suite de mes aventures de quelques mois – trois – à Cape Town et dans le coin, clôture de cette décidemment très chouette aventure africaine (presque) solitaire.

Margaux au Cap de Bonne Espérance

Robin Rhode

Robin Rhode

© Stevenson Gallery

 

Il y a quelques jours prenait fin une belle exposition à la Stevenson Gallery de Cape Town, Paries Pictus, dans laquelle le Sud Africain berlinois d’adoption Robin Rhode exposait un shot poétique. Visuellement jouissif ou politiquement intense, on piochait ce que l’on souhaitait dans les œuvres présentées – c’est souvent le magnifique avantage de l’art des murs.

Puisque l’on ne peut pas toujours expliquer pourquoi un ensemble d’œuvres nous touche, je me permets de vous renvoyer, tout simplement pour cette fois, à ce que d’autres ont écrit sur lui.

Sans d’autre forme d’excuse, voici le lien vers le texte de présentation de la Stevenson Gallery« Rhode creates narratives that are brought to life through stop-motion animation, using everyday materials such as soap, charcoal, chalk and paint. In addition to the street art and performance aspects of his work, there is always a formalist foundation inspired by his interest in abstraction in general and Russian constructivism in particular. » – ainsi qu’une longue interview de Robin Rhode sur Initiartmagazine.com datant de 2010. Et puisque Robin Rhode est super connu, sachez qu’il existe par ailleurs plusieurs livres sur lui – ou plutôt sur ce qu’il fait dans la vie.

Robin Rhode

Robin Rhode

Robin Rhode

Robin Rhode

Robin Rhode

Robin Rhode

Robin Rhode

Robin Rhode

Farguade

« Il faisait nuit à Ouagadougou. Dans la salle des guichets d’immigration planait une humidité chaude et chargée qui m’a fait pensé : « Un air à couper au couteau ». Une clameur humaine incessante, des interjections, des visages noirs partout, des vêtements aux couleurs ternies, des cigarettes qu’on allume, des tubes de néons à vif fixés au plafond, des murs nus écaillés et auréolés de moisissures qui résonnent. Ca sentait la sueur, la crasse, le carton moite et le tubercule. Ma chemise et mon pantalon avaient chiffoné aux aisselles et à l’aine. Jamais je ne m’étais rendu aussi loin vers le Sud mais, dans ce choc étourdissant de la nouveauté, cela me paraissait étrangement familier, tout me remontait en mémoire comme les échos d’une vie antérieure. »

Nicolas Fargues, Tu verras.

Les villes invisibles

Les GPS n’y sont d’aucune utilité. Une bonne carte, éventuellement. La connaissance du nom des principales artères, si cela vous fait plaisir. Mais la seule chose qui compte vraiment pour la navigation en villes africaines, ce sont les autres.

Les villes occidentales sont à découvert. Tout ce que vous pouvez y chercher se trouve quelque part entre un trottoir et l’entrée d’un immeuble, d’une maison, d’un métro. Des panneaux indiquent le nom des rues aux intersections et les abris-bus regorgent de cartes ultra précises. On peut s’y perdre, mais une bonne application iPhone viendra toujours vous sauver. Il suffit de suivre les flèches. Il y a bien quelques bars dits « secrets » mais il ne le sont pas pour grand monde. Pour se délecter des pépites de ces villes, il suffit de les parcourir assez longtemps, de changer de chemin à chaque fois, de garder les yeux bien ouverts. On peut le faire en solitaire, sans même adresser la parole à son voisin de tramway.

Les villes africaines sont invisibles. Non seulement leurs rues ne portent souvent pas de nom, ou alors inconnu du commun des habitants, mais leurs pépites à elles sont planquées. Pas secrètes, planquées.

Pour les trouver, une seule solution : s’en remettre à ceux qui connaissent la route. Les initiés. Le restaurant-institution qui sert le meilleur poisson de la ville est dans un quartier complètement improbable, loin de tout, comme s’il avait voulu obliger ses clients à débarquer vraiment affamés. La galerie d’art qui te remet à ta place est à 10km du centre ville et quand son propriétaire t’explique comment venir, tu remplis deux pages de notes de plus en plus approximatives. La boutique du designer de fringues à la mode est au deuxième étage d’une maison absolument anonyme du centre ville.

Personne ne vous y emmène ? Tant pis pour vous, vous ne porterez jamais ses robes de lumière.

Les touristes ne passent souvent qu’un jour ou deux dans les capitales de l’Afrique subsaharienne. A priori, pas grand chose à voir. Pas vraiment de musées, peu de monuments ou autres grandeurs architecturales, pas de trottoirs où marcher et puis surtout, des embouteillages à côté de quoi prendre l’A6 un 1er août est une vaste rigolade.

Si vraiment vous le voulez, vous pouvez marcher pendant des heures dans ces villes, en slalomant entre les mini-bus, comparer l’ambiance du centre-ville de Dar-es-Salaam avec celui de Dakar ou de Conakry, observer quelques superbes et vieilles maisons à Maputo ou à Zanzibar, vous perdre dans les marchés d’Accra ou d’Abidjan, suer quelques grosses gouttes à Nairobi. Mais en réalité, vous n’aurez alors pas vu grand chose de ces villes, juste la surface, ce qu’elles veulent bien vous laisser regarder, ce que ses habitants laissent à l’air libre. Pour le reste, il faut taffer un peu plus.

Première étape, parler aux habitants, parce qu’ils ont construit la ville entière autour d’eux et qu’ils en sont le principal intérêt. Parce qu’ils sont les seuls, vous l’aurez compris, à pouvoir vous en donnez les clés.

Il s’agit ensuite de repérer les quelques immeubles ou institutions ancestrales qui servent de GPS universels. Tel restaurant ? Au premier étage du deuxième immeuble à gauche des Télécommunications. Un bon cordonnier ? Dans la ruelle en face du Novotel. Ça ne sert à rien de faire autrement, personne ne vous comprendrait.

Dans un troisième temps, s’habituer aux routes des mini-bus qui sillonnent la ville. Quelques sentiments de solitude assurés les premiers jours, lorsque vous vous retrouverez dans une drôle de banlieue à l’exact opposé du quartier où vous croyiez vous rendre. Mais on apprend vite à comprendre la direction criée par l’aide-chauffeur et à monter dans le bon bus.

Enfin, tout essayer. Aller partout. Doucement, parce que c’est comme ça ici, mais sûrement, parce que c’est plus comme ça ici que nulle part ailleurs. Et poser beaucoup de questions, tout le temps.

Les villes africaines sont emmêlées, bordéliques, nauséeuses parfois pour un odorat trop habitué au neutre. Mais elles sont infinies. On peut y creuser toujours. S’y perdre et ne jamais s’y retrouver.

L’invisibilité des villes n’est probablement pas un attribut strictement africain – Italo Calvino* en a imaginé des merveilleuses, dans le monde entier et même ailleurs, de ces villes où l’oeil nu ne s’y retrouve pas. Mais beaucoup de capitales du continent, que ce soit à l’Ouest, à l’Est ou au Centre, se cachent. Un peu moins au Sud, peut-être, parce qu’on aime bien faire à l’américaine là-bas, et encore. 

Elles en valent tellement le coup, ces villes. Elles valent plus qu’une nuit à l’hôtel entre deux bus. Elles valent un peu, beaucoup, à la folie d’efforts.

* Cf. le sublime « Les Villes invisibles », dudit auteur.

Quelques shots namibiens

Parce que les connexions internet sont difficiles à trouver dans ce gigantesque pays, parce que j’étais trop occupée à camper, parce que c’était trop beau et que je n’avais pas la tête à ça, parce que j’ai passé une grosse partie de mes journées dans ma Bat Mobile, parce qu’on a fait tellement de blagues avec mon amie Marine qu’on a oublié le reste – je n’ai rien posté sur ce blog depuis bien longtemps.

En vrac, donc, quelques shots namibiens, alors que nous en revenons.

Pour commencer, et puisque vous allez pas mal en entendre parler, je vous présente ma Bat Mobile des sables. Et Marine (à gauche), par la même occasion. Dont vous risquez d’entendre parler aussi.
Bat Mobile

Etosha National Park, grand parc animalier très bien géré au Nord du pays, festival d’animaux – quelques images seulement ici (dont celle où l’on apperçoit l’intérieur de la Bat Mobile, avec une magnifique girafe en perles qui rappelle très bien la girafe extérieure – sachant que notre collection de big five pour rétroviseur a pas mal grandi depuis).

Etosha National Park

Etosha National Park

Etosha National Park

Etosha National Park

Ci-dessous, compèt de GRS.

Etosha National Park

Juste avant d’arriver dans l’horrible ville de Swakopmund.

Namibie

A cause de cette séance photo, on a déchiré toutes nos cartes.

Namibie

Namibie

Dans le Namib desert.

Namibie

La tente assortie au paysage. On ne fait pas mieux.

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Des dîners équilibrés.

Namibie

Ci-dessous, dans le Naukluft National Park.

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Les Springcourt jaguard sont toujours là.

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Au loin, les dunes de Sossusvlei.

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Conduite (pilotage ouai) à haut risque dans le sable.

Namibie

Namibie

Namibie

Namibie

Tessonade

« Quinze sortes de ketchup. A cause de choses pareilles, j’ai eu envie de quitter ce monde. »

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie – carnet de bord des six mois qu’il a passé, seul, dans une cabane sur les rives du lac Baïkal, à cinq jour de marche du premier village…

Ouvrage où il cite aussi Jünger : « Au ciel, des nuages passaient devant la Lune blême dont, à cette heure, une équipe d’Américains fait le tour. Quand je place une bougie sur une tombe, l’effet est nul mais le message en est riche. Elle brille pour l’univers entier, en confirme le sens. S’ils font le tour de la Lune, l’effet en sera considérable, mais le sens en sera moindre. » (décembre 1968)

Johannesburg n’est pas celle que vous croyez

Johannesburg bouge à mille à l’heure. Les rues sont larges, les immeubles hauts, le centre ville a mauvaise réputation mais réserve mille trois cent surprises à ceux qui veulent bien s’y promener, les hipsters surlookés et les cafés surstylés colorent le tout. A chaque fois que j’y passe quelques jours, je me rends compte que tout a changé, grosse claque, repères à reprendre, excitation urbaine maximale.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, il n’est pas si compliqué de se déplacer dans cette gigantesque ville sans voiture. A condition de connaître le bon signe qui permet d’arrêter le bon minibus, on se débrouille sans trop de problèmes : index vers le haut pour Bree Taxi Rank, index vers le bas pour Parkwood, V avec les quatre doigts pour aller à University of Johannesburg ; c’est une question d’échauffement de la main droite. La nuit, taxi obligatoire, certes, mais la nuit seulement. Et tout le reste peut se faire à pieds à condition, comme pour beaucoup de villes dans le monde, d’ôter ses atouts de décoration classique type montre en or, collier en saphir, appareil photo en bandoulière, sac à main Gucci à paillettes et autres frivolités. Rien d’insurmontable.

A première vue, Joburg est séparée en deux espaces : les quartiers riches (surtout blancs, les banlieues chicos) et les quartiers pauvres (surtout noirs, le centre-ville). En réalité, évidemment et heureusement, les choses sont bien plus entremêlées et le deviennent de plus en plus, années après années.

En tant que visiteur en Afrique du Sud, je pense qu’il faut donner sa chance à Joburg. Car qui lui donne sa chance risque d’être envoûté à tout jamais. Et quoi de mieux que d’être envoûté par une ville qui révèle un peu plus d’elle-même à chaque coup d’œil ?

Joburg Skyline

Petite balade guidée des lieux que j’aime dans le gigantesque centre-ville de Joburg :

Partons de Braamfontein, devant les immenses baies vitrées du tout nouveau Wits Art Museum ; Wits University étant l’une des universités les plus réputées du pays, notamment son département de beaux arts. A deux blocs de là, allons jeter un coup d’œil à l’exposition en cours et à la bibliothèque de la Stevenson Gallery, l’une des deux plus belles à mon sens en Afrique du Sud. Juste à côté, si nous avons oublié notre appareil photo, nous pourrons en trouver un à la boutique Lomography, ou aller acheter un t-shirt dans l’une des petites boutiques très londoniennes de Juta Street.

Un petit creux ? Allons donc siroter un mojito bio (si si, enfin je pense) en dégustant des œufs bénédicte du tonnerre au Neighbourgoods Market, sorte de Shoreditch Market (cf. à Londres) où les hipsters trentenaires aiment promener leur poussette et leurs enfants le samedi matin. Plus cool tu meurs. Pour info, les deux types qui ont créé ce concept l’ont d’abord ouvert à Cape Town (tous les samedis aussi, au Old Biscuit Mill, dans le quartier de Woodstock). Et si pas envie de goûter à tous les stands de chocolats bio et autres fromages de la ferme, on peut aussi aller boire un capouccino dans l’un des petits cafés adorables du quartier, type Doubleshot. A ne pas manquer non plus dans ce quartier qui ne cesse de se construire et de se reconstruire : le Kitchener et le Great Dane, deux bars/boîtes côte à côte où les cool kids se retrouvent pour danser toute la nuit sur le gros son de DJ branchés.

Après ce premier shot, nous traversons l’incroyable Mandela Bridge pour arriver au quartier de Newtown. Après être entrés dans le Market Theatre et avoir vérifié la programmation (souvent excellente) des prochains jours, nous traversons une immense place, juste devant le Museum Africa hélas vraiment pas terrible, puis un petit parc où sont installés plusieurs studios de quelques chorégraphes ou compagnies de danse sud africaines (Moving into Dance, Dance Factory). Encore une rue à traverser et nous arrivons devant le Market Photo Workshop, école de photo plutôt anglée photographie documentaire ou sociale et créée par le géant David Goldblatt, qui diplôme la crème des photographes sud africains et d’ailleurs. Dans la galerie de l’école, on peut discuter avec un élève en vadrouille et lui demander de nous faire visiter l’école, les studios, la chambre noire, tout ça. Convaincus qu’il nous faudra absolument venir étudier ici un jour, on ressort et on arpente les rues de ce drôle de quartier, qui a connu tout un tas d’heures de gloire, qui cache pas mal de bars où les intellectuels se sont retrouvés un jour, où des graffitis recouvrent les murs, où des portraits sculptés en bois sont disséminés.

De Newtown, on file vers Joubert Park. Ce petit parc est le lieu qui a la plus mauvaise réputation de toute la ville – c’est dire – donc, dans le doute, on ne s’y attardera pas. A l’extrémité Sud du parc se trouve la Johannesburg Art Gallery, dont la section contemporaine est hélas en travaux jusqu’à 2015 (nous dit-on), mais qui regroupe malgré tout une intéressante collection d’art moderne et contemporain. Après s’y être un peu attardé, nous faisons quelque chose d’absolument hallucinant pour un petit groupe de blancs en cavale : nous traversons le CBD (Central Business District) à pieds pour rejoindre Main Street et, plus loin, Arts on Main.

Nous sommes dimanche et comme tous les dimanche, Maboneng bat son plein : un groupe d’immeubles et d’entrepôts progressivement réhabilités (par un investisseur privé) en galeries d’art, marché de produits délicieux, restaurants, boutiques ultra pointues et de vintage, hôtel branché, studios aménagés-épurés-designés à louer, fêtes sur les toits et autres réjouissances de gens stylés. Certes, l’endroit dénote un peu dans le quartier mais l’idée de départ, ou l’une d’entre elles, était de faire venir ces gens dans le centre ville tout en faisant en sorte que les habitants « historiques » du quartier ne fuient pas. Pari réussi je crois.

Après un bon dodo, nous repartons le lendemain pour le dernier quartier de cette visite express : Parkwood. Nous nous éloignons ici un peu du centre-ville, mais nous avons devant les yeux quelques galeries d’art contemporain qui valent le déplacement : Goodman Gallery en tout premier lieu, la deuxième plus belle galerie de la ville selon moi (après Stevenson Gallery à Braamfontein, souvenez-vous – les deux sont aussi basées à Cape Town), mais aussi, pour la plupart sur Jan Smuts Avenue, plusieurs autres galeries : ArtSpace, David Krut Projects, Resolution Gallery, Gallery 2, Momo Gallery, Everard Read Gallery (plus commerciale), Art One Sixty, etc. De quoi s’en mettre plein les yeux.

Nous pourrons éventuellement ensuite aller reposer nos pieds à Zoo Lake, immense parc où les familles de toutes les couleurs dégustent des braais (barbecues locaux) le weekend.

Un dernier endroit à visiter selon moi – et celle fois-ci beaucoup moins cooool que tous ceux décrits précédemment – est l’Apartheid Museum. Extraordinaire scénographie, extraordinaires documents présentés, extraordinaire plongeon dans l’Histoire.

Il y a sans aucune doute des milliers d’autres lieux à découvrir à Johannesburg mais j’espère que cette rapide description vous aura en tout cas donné envie de vous arrêter plus que quelques heures lors d’une visite en Afrique du Sud.